Lettre ouverte à la mairesse de Montréal

Montréal, le 7 février 2018

Madame Valérie Plante
Mairesse de Montréal
275 rue Notre-Dame Est
Montréal, Québec
H2Y 1C6

Madame la Mairesse,

Cette lettre a pour objet le processus de consultation du Plan d’action municipal pour les personnes aînées 2018-2020. Nous saluons la volonté de Montréal d’élaborer un plan d’action pour améliorer les conditions de vie des aînés montréalais, mais nous voulons toutefois exprimer nos préoccupations quant au processus de consultation publique mis en place. Nous demandons à la ville de Montréal et à sa nouvelle administration d’apporter des améliorations importantes au processus et de faire un effort concret pour inclure les personnes âgées dans la stratégie Municipalité amie des aînés (MADA) de Montréal.

Nous vous écrivons au nom de nos groupes de recherche respectifs : le projet de recherche Ageing, Communication, Technologies (ACT) et engAGE, soit le Centre de recherche sur le vieillissement, tous deux basés à l’Université Concordia. Dans le cadre de nos recherches, nous nous intéressons aux questions liées au vieillissement et réalisons des projets en collaboration avec des aînés de la communauté montréalaise.

Nous croyons fermement que toute nouvelle politique publique doit se doter en amont d’un véritable processus de participation publique. C’est donc avec grand intérêt que nous suivons le processus de consultation publique récemment entamé par la ville. Le site web du plan d’action (https://www.realisonsmtl.ca/aines) laisse entendre que ce processus de consultation comprend un sondage en ligne, quatre discussions publiques prévues au mois de février, ainsi qu’un document préparatoire pour animer des discussions dans la communauté. Toutefois, force est de constater que le processus de consultation au sujet de MADA empêchera la participation de nombreux aînés, en particulier celle des plus marginalisés.

Premièrement, les discussions publiques ont lieu en février, l’un des mois les plus froids et enneigés de l’année. Nous savons tous que les aînés hésitent à s’aventurer à l’extérieur de chez eux dans de telles conditions. Les personnes à mobilité réduite n’assisteront fort probablement pas aux discussions. Les personnes âgées avec qui nous travaillons ont déjà exprimé leurs inquiétudes en rapport à la température et aux conditions des routes qui pourraient compromettre leur participation. De plus, les lieux choisis pour les consultations ne sont pas facilement accessibles pour les personnes âgées qui dépendent du transport en commun. Trois des quatre sites sont à proximité de stations de métro qui ne sont pas munies d’ascenseur. Le seul emplacement à proximité d’un métro accessible nécessite une marche de 11 minutes. Les aînés à mobilité réduite ne figurent-ils pas parmi ceux qui ont le plus besoin d’une « municipalité amie des aînés »?

Deuxièmement, le processus de consultation dans sa conception actuelle exclut la la participation de l’importante population aînée anglophone de Montréal. En 2006, un rapport du Commissariat aux langues officielles soulignait pourtant que les aînés anglophones de Montréal courent un plus grand risque d’isolement que les aînés francophones. Comme vous le savez sûrement, la majorité des aînés issus de l’immigration à Montréal ont l’anglais et non le français comme première langue officielle. Pourquoi les anglophones et les immigrants sont-ils systématiquement mis à l’écart dans ce processus de consultation? Le site web détaillant le processus de consultation n’est d’ailleurs qu’en français, tout comme le sondage et le document préparatoire. Il est aussi très regrettable qu’aucune consultation ne se tienne dans l’ouest de la ville, dans les arrondissements fortement anglophones, dont l’arrondissement de Côte-des-Neiges-Notre-Dame-de-Grâce, qui est non seulement le plus populeux mais aussi le plus multiculturel de Montréal. Nous espérons que les Montréalais et Montréalaises anglophones qui participeront aux quatre séances de consultation pourront au moins bénéficier de services d’interprétation.

Troisièmement, le sondage conçu pour recueillir les opinions des Montréalais et Montréalaises n’est disponible qu’en ligne et nous n’avons vu aucune alternative non numérique permettant de le remplir autrement. Nous savons, grâce à nos recherches, que les aînés utilisent moins Internet que les plus jeunes. Nous savons également que les personnes âgées qui sont déjà marginalisées utilisent encore moins Internet. En effet, une faible connaissance du monde numérique est liée à de faibles niveaux d’alphabétisation et de scolarité, ainsi qu’à un faible revenu. Un questionnaire en ligne ne fera que sonder les aînés les plus jeunes, les plus riches et les plus éduqués de Montréal, tout en excluant les opinions de ceux et celles qui comptent parmi les plus âgés, exclus ou isolés de notre ville. Pour que ce processus de consultation soit inclusif et adapté aux réalités du vieillissement, des mesures doivent être prises pour tenir compte les opinions des aînés qui n’ont pas accès à Internet.

Si Montréal souhaite réellement devenir une « municipalité amie des aînés », elle doit d’abord commencer par adopter des processus de consultation adaptés aux réalités des personnes âgées qui y vivent. Nous demandons à la ville d’étendre sa période de consultation jusqu’au printemps et de prendre des mesures correctives et concrètes pour remédier aux problèmes que nous avons soulevés par l’entremise de cette lettre. Le dossier MADA offre à la nouvelle mairesse et à son administration l’occasion parfaite de démontrer aux Montréalais et Montréalaises leur engagement envers une consultation publique qui est réfléchie et inclusive.

Nos groupes de recherche sont à votre entière disposition pour une rencontre avec l’équipe MADA de la ville afin de discuter de ces enjeux et de travailler, ensemble, vers l’élaboration d’un processus inclusif.

Kim Sawchuk
Directrice d’Ageing, Communication, Technologies (ACT)
www.actproject.ca
Université Concordia

Shannon Hebblethwaite
Directrice d’engAGE, le Centre de recherche sur le vieillissement
www.concordia.ca/engage
Université Concordia